CASE OF TKACHENKO v. RUSSIA (European Court of Human Rights)

Last Updated on November 11, 2020 by LawEuro

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE TKACHENKO c. RUSSIE
(Requête no 28046/05)
ARRÊT
(Révision)

Art 41 • Satisfaction équitable • Révision visant à l’octroi de sommes aux requérants survivants

STRASBOURG
10 novembre 2020

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Tkachenko c. Russie (demande de révision de l’arrêt rendu le 20 mars 2018),

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :

Paul Lemmens, président,
Georgios A. Serghides,
Helen Keller,
Dmitry Dedov,
Branko Lubarda,
Pere Pastor Vilanova,
Erik Wennerström, juges,
et de Olga Chernishova, greffière adjointede section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 octobre 2020,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 28046/05) dirigée contre la Fédération de Russie et dont quatre ressortissants de cet État, M. MikhailAleksandrovichTkachenko (« le premier requérant »), Mme Nina NikolayevnaTkachenko (la deuxième requérante »), M. Aleksandr MikhaylovichTkachenko (« le troisième requérant ») et Mme Nataliya MikhaylovnaTkachenko (« la quatrième requérante »), ont saisi la Cour le 14 juillet 2005 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le premier requérant et la deuxième requérante étaient des époux et le troisième requérant et la quatrième requérante sont leurs enfants. La deuxième requérante est décédée en 2011,après l’introduction de la requête. Le 18 avril 2011, les trois autres requérants ont exprimé le souhait de poursuivre l’instance au nom de cette dernière devant la Cour.

3. Dans son arrêt du 20 mars 2018, la Cour a estimé que « le premier requérant– l’époux de la deuxième requérante – ainsi que le troisième requérant et la quatrième requérante – les enfants de la deuxième requérante – ont un intérêt légitime au maintien de la requête et, de ce fait, qualité pour agir au titre de l’article 34 de la Convention » (paragraphe 31 de l’arrêt).

4. Dans cet arrêt, la Cour a jugé qu’il y avait eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention en raison de l’illégalité de l’expropriation de la maison des requérants. Elle a décidé d’allouer 5 000 euros (EUR) conjointement à tous les requérants pour dommage matériel, ainsi que 5 000 EUR à chacun des requérants pour dommage moral.

5. Le 27 mars 2019, le Gouvernement a présenté une demande de rectification et de révision de l’arrêt aux motifs que le dispositif de l’arrêt n’était pas clair quant aux bénéficiaires de la satisfaction équitable, et que la quatrième requérante était décédée en 2016, avant le prononcé de l’arrêt, sans que la Cour n’en ait été informée.

6. Cette demande a été communiquée aux parties requérantes pour observations. Le 2 août 2019, les requérants survivants ont informé la Cour que le premier requérant, le père de la quatrième requérante décédée, était l’héritier de celle-ci. Ils ont fourni à la Cour une attestation délivrée par un notaire en ce sens.

7. Le 21 octobre 2019, la Cour a rejeté la demande du Gouvernement.

8. Le 8 avril 2020, le Gouvernement a présenté une nouvelle demande en révision de l’arrêt, au sens de l’article 80 du règlement de la Cour, en arguant qu’il lui était impossible d’exécuter l’arrêt du 20 mars 2018 en l’absence d’indication précise sur les bénéficiaires de la satisfaction équitable.

9. Le 16 juin 2020, la Cour a examiné la demande en révision et a décidé d’inviter les requérants survivants à présenter leurs éventuelles observations jusqu’au 17 août 2020.

10. Dans leurs observations, parvenues à la Cour le 29 juin 2020, les requérants survivants ont indiqué que, à la suite du décès de la quatrième requérante, ils s’étaient trouvés dans un état de désarroi et ignoraient ce qu’ils devaient faire, mais qu’ils avaient néanmoins informé de ce décès leur ancien avocat qui avait omis de transmettre cette information à la Cour. Les requérants ont confirmé que le premier requérant était l’héritier de la quatrième requérante.

EN DROIT

SUR LA DEMANDE EN RÉVISION

11. Le Gouvernement demande à la Cour de réviser l’arrêt du 20 mars 2018 et d’indiquer quelles sommes doivent être payées à quelles personnes. Il soutient à cet égard, que, sans indication expresse de la Cour en ce sens, les sommes allouées dans l’arrêt à la deuxième et à la quatrième requérante ne peuvent pas être perçues par les requérants survivants.

12. Les requérants survivants répètent que le premier requérant est le père et l’héritier légal de la quatrième requérante. Ils arguent qu’ils ont agi de bonne foi et ils prient la Cour de tenir compte de leurs explications.

13. La Cour note que les deux requérants survivants sont les proches de la quatrième requérante qui est décédée après l’introduction de la requête mais avant l’adoption de l’arrêt du 20 mars 2018 par la Cour. Bien qu’aucun d’eux n’ait expressément demandé de poursuivre l’instance au nom de la quatrième requérante, la Cour estime que les intéressés, n’étant pas représentés par un avocat, ont exprimé ce souhait en substance.

14. Elle estime que, afin de permettre aux requérants survivants de recevoir les sommes allouées à leurs proches (voir la jurisprudence constante dans ce domaine, par exemple, Dyller c. Pologne (révision), no 39842/05, 15 février 2011, FrančiškaŠtefančič c. Slovénie (révision), no 58349/09, 9 octobre 2018, et Ana Ionescu et autres c. Roumanie (révision), nos 19788/03 et 18 autres, 3 mars 2020), il y a lieu de réviser l’arrêt du 20 mars 2018 par application de l’article 80 de son règlement qui, en ses parties pertinentes, est ainsi libellé :

« En cas de découverte d’un fait qui, par sa nature, aurait pu exercer une influence décisive sur l’issue d’une affaire déjà tranchée et qui, à l’époque de l’arrêt, était inconnu de la Cour et ne pouvait raisonnablement être connu d’une partie, cette dernière peut (…) saisir la Cour d’une demande en révision de l’arrêt dont il s’agit. (…) »

15. La Cour décide en conséquence qu’il y a lieu d’octroyer 10 000 EUR au premier requérant et 10 000 EUR au troisième requérant pour dommage moral, ainsi que 5 000 EUR conjointement au premier et au troisième requérant pour dommage matériel, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur ces sommes.

16. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide d’accueillir la demande en révision de l’arrêt du 20 mars 2018 ;

en conséquence

2. Dit

a) que l’État défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :

i. 10 000 EUR (dix mille euros) à M. MikhailAleksandrovichTkachenko et 10 000 EUR (dix mille euros) à M. Aleksandr MikhaylovichTkachenko pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

ii. 5 000 EUR (cinq mille euros) conjointement à MM. MikhailAleksandrovich et Aleksandr MikhaylovichTkachenko pour dommage matériel, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants sont à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 novembre 2020, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Olga Chernishova                        Paul Lemmens
Greffière adjointe                         Président

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