AFFAIRE SAVIN c. RUSSIE (European Court of Human Rights)

Last Updated on April 24, 2019 by LawEuro

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE SAVIN c. RUSSIE
(Requête no 58811/09)

ARRÊT
STRASBOURG
22 janvier 2019

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Savin c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en un comité composé de :

Branko Lubarda, président,
Pere Pastor Vilanova,
Georgios A. Serghides, juges,
et de Stephen Phillips, greffierde section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 18 décembre 2018,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 58811/09) dirigée contre la Fédération de Russie et dont un ressortissant de cet État, M. Aleksandr Nikolayevich Savin (« le requérant »), a saisi la Cour le 30 septembre 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant a été représenté par Me A. Polozova, avocate à Moscou. Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. G. Matiouchkine, ancien représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, puis par M. M. Galperine, son représentant actuel.

3.  Le 14 septembre 2015, les griefs concernant les conditions de détention du requérant, la légalité de sa détention et le respect de sa vie familiale ont été communiquésau Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.

EN FAIT

LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4.  Le requérant est né en 1961 et est détenu à Moscou.

5.  Le 24 juillet 2007, le requérant, mis en examen pour plusieurs infractions, fut placé en détention provisoire.

6.  Il fut alors incarcéré, du 31 juillet 2007 au 21 juillet 2009, dans les maisons d’arrêt nos IZ-77/1 et IZ‑77/4 de la ville de Moscou. À ses dires, il a été détenu dans des cellules surpeuplées et dans de mauvaises conditions d’hygiène.

7.  Par un jugement du 27 mars 2009, la cour régionale de Moscou, siégeant avec jury, reconnut le requérant coupable des faits qui lui étaient reprochés et le condamna à une peine de vingt‑quatre ans d’emprisonnement.

8.  Par un arrêt du 30 juin 2009, la Cour suprême de la Fédération de Russie confirma le jugement du 27 mars 2009 en appel.

9.  Le 21 juillet 2009, le requérant fut transféré à la colonie pénitentiaire no IK‑3 de la région de Yamalo‑Nenetsk, située à une distance de 2 000 kilomètres approximativement de son lieu de résidence et de celui de sa proche famille.

10.  Le 23 mars 2011, le présidium de la Cour suprême de la Fédération de Russie,statuant comme instance derévision sur le pourvoi introduit par le requérant, annulale jugement du 27 mars 2009 du tribunal de la ville de Moscou et l’arrêt du 30 juin 2009 de la Cour suprême de la Fédération de Russie au motif que le verdict sur lequel était basé le jugement du 27 mars 2009 avait été rendu par un jury dont la composition n’était pas légale.

11.  Le présidium établit notamment que le juré G., qui avait pris part au procès pénal dirigé contre le requérant, ne pouvait pas siéger dans le jury puisqu’il avait été exclu des listes des personnes ayant le droit de siéger en tant que jurés par un arrêté du gouvernement de la région de Moscou du 25 octobre 2006. Ilprécisa que, le 22 novembre 2006, le gouverneur de la région de Moscou avait établi une liste des personnes faisant l’objet de cette exclusion, dont G. faisait partie, et il constata que tant l’arrêté du 25 octobre 2006 que la liste du 22 novembre 2006 avaient été publiés dans les médias et avaient été dûment transmis à la cour régionale de Moscou. Il nota que, le 28 octobre 2008, lors de la sélection des personnes amenées à siéger dans le jury lors du procès pénal du requérant, cette même juridiction n’avait toutefois pas tenu compte de la liste du 22 novembre 2006.Eu égard à ces circonstances, le présidium renvoya l’affaire pénale dirigée à l’encontre du requérant pour un nouvel examen sur le fond.

12.  Le 5 mars 2015, la cour régionale de Moscou condamna le requérant à nouveau. Selon le requérant, au 19 avril 2016, date de soumission de ses observations à la Cour, sa condamnation n’étaitpas définitive.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

13.  Le requérant allègue que les conditions de sa détention dans les maisons d’arrêt nos IZ-77/1 et IZ‑77/4 de la ville de Moscou étaient contraires à l’article 3 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A.  Thèses des parties

14.  Le 5 juin 2014, le Gouvernement a soumis une déclaration unilatérale dont les parties pertinentes se lisent ainsi :

« Je soussigné (…), représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, déclare par la présente que les autorités russes reconnaissent que, entre le 31 juillet 2007 et le 21 juillet 2009, Aleksandr Nikolayevich Savina été détenu dans les maisons d’arrêt nos IZ-77/1 et IZ‑77/4 de la ville de Moscou dans des conditions qui ne répondaient pas aux normes fixées par l’article 3 de la Convention.

Le Gouvernement est prêt à verser la somme de 8 000 EUR au requérant à titre de satisfaction équitable.

En conséquence, [il] invite la Cour à rayer du rôle la présente requête. Il suggère à la Cour de considérer cette déclaration comme un « autre motif » justifiant de rayer la requête du rôle, aux termes de l’article 37 § 1 c) de la Convention.

La somme susmentionnée, destinée à couvrir tout dommage matériel et moral ainsi que les frais et dépens, ne sera soumise à aucun impôt. Elle sera payable dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification de la décision de la Cour, en application de l’article 37 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et convertie en roubles russes au taux applicable à la date du paiement. Si elle n’était pas versée dans ce délai, le Gouvernement s’engage à la majorer, jusqu’au règlement, d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage. Le paiement vaudra règlement définitif de l’affaire. »

15.  Dans ses observations en réplique, parvenues à la Cour le 19 avril 2016, le requérant aindiqué qu’il n’acceptait pas les termes de la déclaration unilatérale.

B.  Appréciation de la Cour

16.  La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 37 de la Convention, à tout moment de la procédure, elle peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances l’amènent à l’une des conclusions énoncées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. L’article 37 § 1 c) de la Convention lui permet en particulier de rayer une affaire du rôle si :

« pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête ».

17.  La Cour rappelle aussi que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l’article 37 § 1 c) de la Convention sur la base d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l’examen de l’affaire se poursuive.

18.  À cette fin, la Cour a examiné de près la déclaration soumise par le Gouvernement à la lumière des principes que consacre sa jurisprudence, en particulier l’arrêt Tahsin Acar (Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC],no 26307/95, §§ 75‑77, CEDH 2003‑VI, WAZA Spółka z o.o. c. Pologne (déc.), no 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.), no 28953/03, 18 septembre 2007).

19.  La Cour rappelle avoir déjà conclu dans de nombreuses affaires à la violation de l’article 3 de la Convention à raison des conditions de détention dans des maisons d’arrêt russes (voir, par exemple, Dudchenko c. Russie, no 37717/05, §§ 116‑123, 7 novembre 2017, Vyatkin c. Russie, no 18813/06, §§ 36‑44, 11 avril 2013, Mayzit c. Russie, no 63378/00, §§ 34‑43, 20 janvier 2005, Ananyev et autres c. Russie, nos 42525/07 et 60800/08, §§ 160‑166, 10 janvier 2012, Zentsov et autres c. Russie, no 35297/05, §§ 38-45, 23 octobre 2012, et Kolunov c. Russie, no 26436/05, §§ 30-38, 9 octobre 2012).

20.  Eu égard à la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu’au montant de l’indemnisation proposée, la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête pour autant que celle-ci porte sur le grief tiré de l’article 3 de la Convention (article 37 § 1 c) de la Convention).

21.  En outre, à la lumière des considérations qui précèdent, et eu égard en particulier à sa jurisprudence claire et abondante à ce sujet, la Cour estime que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles n’exige pas qu’elle poursuive l’examen de cette partie de la requête (article 37 § 1 in fine de la Convention).

22.  Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention (Josipović c. Serbie (déc.), nº 18369/07, 4 mars 2008).

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 DE LA CONVENTION

23.  Le requérantse plaint que sa détention après la condamnation du 27 mars 2009 n’ait pas été ordonnée « par un tribunal compétent » eu égard au défaut ayant entaché la composition du jury, tel que constaté par le présidium de la Cour suprême russe. Il invoque l’article 5 § 1 a),ainsi libellé :

« 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

a)  s’il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;

(…) »

A.  Thèses des parties

24.  Le Gouvernement s’est abstenu de soumettre des observations à cet égard.

25.  Le requérant maintient son grief.

B.  Appréciation de la Cour

1.  Sur la recevabilité

26.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

2.  Sur le fond

27.  La Cour rappelle que, pour l’appréciation du respect ou non de l’article 5 § 1 de la Convention, une distinction fondamentale doit être établie entre les titres de placement en détention manifestement invalides ‑par exemple ceux émis par un tribunal en dehors de sa compétence ou dans les cas où la partie intéressée n’a pas été dûment avertie de la date de l’audience – et les titres de détention qui sont prima facie valides et efficaces tant qu’ils n’ont pas été annulés par une juridiction supérieure. Une décision de placement en détention doit être considérée comme étant ex facie invalide si le vice y ayant été décelé s’analyse en une « irrégularité grave et manifeste », au sens exceptionnel indiqué dans la jurisprudence de la Cour (Mooren c. Allemagne [GC], no 11364/03, § 75, 9 juillet 2009).

28.  Dans son arrêt Yefimenko c. Russie (no 152/04, §§ 101‑111, 12 février 2013), la Cour a conclu à la violation de l’article 5 § 1 a) de la Convention à raison de la détention du requérant après condamnation par un tribunal dont la composition n’était pas légale au regard du droit interne. Elle a considéré que le défaut ayant entaché la composition de la juridiction de jugement tel que constaté par une instance de révision plusieurs années après que la condamnation de l’intéressé était devenue définitive constituait une « irrégularité grave et manifeste » au sens de l’article 5 § 1 a) de la Convention (ibidem, § 110). La Cour est arrivée à la même conclusion dans l’arrêt Kleyn c. Russie (no 44925/06, §§ 28‑29, 5janvier 2016), portant également sur un cas de condamnation par un tribunal dont le défaut ayant entaché la composition avait été par la suite reconnu par une instance de révision.

29.  La Cour estime que les conclusions auxquelles elle est parvenue dans les arrêtsYefimenkoet Kleyn, précités, sont transposables à la présente espèce. En effet, elle note, à l’instar du présidium de la Cour suprême russe, que le juré G. n’avait pas le droit de participer au procès pénal du requérant en tant que juré et que son exclusion de la liste des personnes ayant le droit de siégeren tant que jurés avait été dûment notifiée aux pouvoirs judiciaires le 22 novembre 2006 (paragraphe 11ci‑dessus). Or, le 28 octobre 2008, soit un peu moins de deux ans après cette notification, lacour régionale de Moscou avait néanmoins inclus G. dans le jury dont le verdict avait servi de base au jugement, en date du 27 mars 2009,portant condamnation du requérant à une peine de vingt‑quatre ans d’emprisonnement (paragraphe 11 ci‑dessus). Dans ces circonstances, la Cour estime que le défaut ayant entaché la composition du jury, tel que constaté par le présidium de la Cour suprême russe dans sa décision du 23 mars 2011, constituait une « irrégularité grave et manifeste » au sens de l’article 5 § 1 a) de la Convention. Elle conclut par conséquent que le requérant a été condamné par un tribunal qui n’était pas « compétent » et que sa détention du 27 mars 2009 au 23 mars 2011 n’a pas été « régulière ».Par ailleurs, elle constate qu’il ne ressort pas du dossier soumis à son examen que le requérant a obtenu un redressement approprié pour une détention irrégulière (Kleyn, précité, §§ 21‑23).

30.  Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 1 a) de la Convention.

III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

31.  Le requérant se plaintenfin que son placement dans une colonie pénitentiaire située approximativement à 2 000 kilomètres de son lieu de résidence et de celui de sa proche famille a constitué une ingérence disproportionnée dans son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il invoque l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

A.  Thèses des parties

32.  Le Gouvernement s’est abstenu de soumettre des observations à cet égard.

33.  Le requérant maintient son grief.

B.  Appréciation de la Cour

1.  Sur la recevabilité

34.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

2.  Sur le fond

35.  La Cour rappelle que le placement d’un détenu dans un établissement pénitentiaire éloigné de son foyer familial peut avoir des répercussions sur le maintien de contacts avec ses proches et constituer une ingérence dans son droit au respect de la vie familiale (Khodorkovskiy et Lebedev c. Russie, nos 11082/06  et 13772/05,§ 837, 25 juillet 2013, et Polyakova et autres c. Russie, nos 35090/09 et 3 autres, § 81, 7 mars 2017). En l’espèce,le requérant a été placé dans une colonie pénitentiaire située à 2 000 kilomètres approximativement de son lieu de résidence et de celui de sa proche famille (paragraphe 9 ci‑dessus).

36.  Dans l’arrêt Polyakova et autres, précité, la Cour a jugéque le droit interne russe n’assurait pas une protection contre l’arbitraire dans l’exercice par les autorités exécutives du pouvoir discrétionnaire qui leur était accordé en matière de choix du lieu d’incarcération de détenus condamnés et que, par conséquent, les requérants avaient été privés du degré minimal de protection voulu par la prééminence du droit dans une société démocratique (ibidem, § 117).Elle a conclu que l’ingérence dans le droit des requérants au respect de leur vie familiale n’était pas « prévue par la loi » au sens de l’article 8 § 2 de la Convention (ibidem, § 118). La Cour estime qu’il n’y a aucune raison de parvenir à une conclusion différente en l’espèce.

37.  Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.

IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

38.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

39.  Le requérant réclame 70 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il estime avoir subi.

40.  Le Gouvernement n’a pas formulé de commentaires sur ce point.

41.  La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant18 000 EUR pour dommage moral.

B.  Frais et dépens

42.  Le requérant demande 285 000 roubles russes (RUB) pour des frais de conseil et de représentation juridiquesengagés devant les juridictions internes et 160 000 RUB pour ceux engagés devant la Cour. Il soumet à l’appui de sa demande les documents suivants :

–  une convention d’assistance juridique conclue le 9 juillet 2008 par son épouseavec une avocate,Me I. Kurbatova, aux fins de sa représentation devant la cour régionale de Moscou,ainsi que deux quittances de paiement y afférentes pour un montant total de 8 000 RUB ;

–  une convention d’assistance juridique conclue le 16 juillet 2009 par son épouse avec Me A. Polozova aux fins de sa représentation devant la Cour, ainsi que deux quittances de paiement y afférentes pour un montant total de 150 000 RUB ;

–  une convention d’assistance juridique conclue le 14 juin 2011 par son épouse avec une avocate, Me S. Davydova,aux fins de sa représentation devant la cour régionale de Moscou, ainsi que deux quittances de paiement y afférentes pour un montant total de 250 000 RUB ;

–  une quittance du 26 février 2010 établie au nom de Me A. Polozova, poursa représentation dans le cadre de la procédure de révision de sa condamnation pénale devant la Cour suprême russe, d’un montant de 5 000 RUB.

43.  Le Gouvernement n’a pas soumis de commentaires sur ce point.

44.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, la Cour note que les conventions d’assistance juridique conclues par l’épouse du requérant avec diverses avocates aux fins de la représentation juridique de ce dernierdevant les juridictions internes et devant elle ne liaient pas juridiquement l’intéresséen ce qui concerne le paiement des frais de représentation juridique. C’est en effet l’épouse du requérant qui figurait en tant que mandantedans les conventions susmentionnéeset qui a réglé les factures des avocates en question (voir, pour un exemple où le contrat d’assistance juridique a été conclu par l’épouse d’un requérant, Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie [GC], no 48787/99, § 491, CEDH 2004‑VII). Toutefois, rien ne démontre que la relation matrimoniale existant entre le requérant et son épouse ne relevait pas du régime de la communauté des biens et queles dépenses effectuées par l’un des époux ne pouvaient dès lors être considérées comme communes. La Cour estime donc que le requérant, par le biais de son épouse,a réellement supporté la charge de ces frais (voir, a contrario, Voskuil c. Pays-Bas, no 64752/01, § 92, 22 novembre 2007, etDudgeon c. Royaume-Uni (article 50), 24 février 1983, § 22 in fine, série A no 59). Il n’en demeure pas moins que la Cour se doit de vérifier leur nécessité et leur caractère raisonnable.

45.  S’agissant des frais de conseil et de représentation engagés devant les instances nationales, la Cour note que la convention d’assistance juridique conclue le 14 juin 2011 visait la représentation du requérant devant la cour régionale de Moscou après l’annulation de sa condamnation par le présidium de la Cour suprême russe. Or le procès pénal subséquent n’avait pas pour but de corriger les violations constatées en l’espèce. Dans ces conditions, la Cour ne peut allouer aucune somme à ce titre. En revanche, la Cour tiendra compte des dépenses engagées sur la base de la convention conclue le 9 juillet 2008 et de cellesétablies par la quittance du 26 février 2010,qui visaient à la prévention, entre autres, de la violation de l’article 5 § 1 a) constatée en l’espèce.S’agissant des frais de conseil et de représentation engagés devant elle, la Cour note que le requérant n’a ni soumis de décompte horaire du travail accompli par Me A. Polozova ni indiqué le taux horaire correspondant.

46.  Eu égard à ce qui précède et compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 1 350 EUR tous frais confondus et l’accorde au requérant.

C.  Intérêts moratoires

47.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Décide, eu égard aux termes de la déclaration du gouvernement défendeur concernant l’article 3 de la Convention et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements, de rayer du rôle la requête en ce qui concerne le grief relatif aux conditions de détention du requérant dans les maisons d’arrêt nos IZ-77/1 et IZ‑77/4 de la ville de Moscou entre le 31 juillet 2007 et le 21 juillet 2009 ;

2.  Déclarela requête recevable quant aux griefs tirés des articles 5 § 1 a) et 8 de la Convention ;

3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 a) de la Convention ;

4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;

5.  Dit

a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur,au taux applicable à la date du règlement :

i.  18 000 EUR (dix-huit mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

ii.  1 350 EUR (mille trois cent cinquante euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 janvier 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Stephen Phillips                                                                   Branko Lubarda
Greffier                                                                               Président

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