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Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 225
Janvier 2019
Prunea c. Roumanie – 47881/11
Arrêt 8.1.2019 [Section IV]
Article 10
Article 10-1
Liberté d’expression
Diffamation pour avoir dit qu’un candidat aux élections législatives était mêlé à un litige commercial : non-violation
En fait – Le requérant, qui enseignait à l’université et collaborait à divers magazines et journaux, écrivit un article au sujet d’un membre d’un parti national qui était candidat au scrutin législatif, évoquant un litige commercial entre celui-ci et une société de courtage. Les commentaires du requérant furent cités dans des tracts électoraux, qui furent distribués dans divers lieux publics. Le candidat engagea contre le requérant une action civile en diffamation et obtint gain de cause.
En droit – Article 10 : Les critiques du requérant visaient un homme politique, pour qui les limites de la critique admissible étaient plus larges que pour de simples particuliers. En se présentant aux élections législatives, le candidat était entré dans la sphère publique et, inévitablement et sciemment, s’était exposé à un contrôle attentif. Pour ces raisons, il devait faire preuve d’un degré plus élevé de tolérance.
Les juridictions nationales ont toutefois estimé que les commentaires du requérant avaient porté atteinte à la réputation et à la dignité du candidat et qu’ils n’auraient pas dû être rendus publics à travers les médias, en particulier parce qu’ils concernaient des affaires privées. Elles ont tenu compte du contexte dans lequel les commentaires litigieux avaient été formulés, à savoir au cours d’une campagne électorale, et elles ont confirmé qu’ils revêtaient un intérêt général dès lors qu’ils concernaient une personnalité publique. Il importe de relever qu’en décidant de faire droit à l’action dirigée contre le requérant, les juridictions nationales ont considéré que celui-ci n’avait pas eu l’intention de critiquer les activités du candidat en tant que personne publique, mais d’exposer publiquement un point de vue unilatéral sur un litige privé d’ordre commercial entre deux parties privées. À cet égard, elles ont également jugé que le requérant n’avait pas satisfait aux exigences minimales de diligence, consistant à agir de bonne foi.
La Cour estime, comme les autorités judiciaires nationales, que les commentaires incriminés s’analysent en une attaque contre la réputation du candidat qui a atteint le niveau de gravité requis et a été préjudiciable à son droit personnel au respect de sa vie privée découlant de l’article 8 de la Convention. Les juridictions nationales ont adéquatement mis en balance les droits qui étaient en jeu, conformément aux critères définis dans la jurisprudence de la Cour ; de plus, elles ont de façon convaincante établi la nécessité de placer le droit du candidat à la protection de sa réputation au-dessus du droit du requérant à la liberté d’expression. Pour que la Cour substitue son avis à celui des juridictions internes, il lui aurait fallu des raisons sérieuses, lesquelles n’existaient pas en l’espèce.
Enfin, dans les circonstances particulières de la cause du requérant, l’obligation faite à celui-ci de verser 5 000 EUR à titre de dommages-intérêts ne saurait être tenue pour une sanction exagérément sévère et susceptible d’avoir un effet dissuasif sur l’exercice par lui de son droit à la liberté d’expression.
Conclusion : non-violation (cinq voix contre deux).
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